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La lettre / Septembre 2019


1. Hommage à Élisabeth ZUCMAN

Élisabeth ZUCMAN, pionnière de la défense des droits des personnes polyhandicapées, nous a quittés.

C’est à son domicile parisien qu’Élisabeth Zucman est décédée à l’âge de 89 ans, dans la nuit du 14 au 15 septembre dernier, alors qu’elle se sentait arriver « au bout de son voyage ».

Médecin de réadaptation fonctionnelle, le Dr Zucman s’était il y a plus de 50 ans érigée contre une injustice, selon laquelle rien n’était fait pour les enfants encéphalopathes ou « arriérés profonds », « exclus parmi les exclus ». Grâce à elle et d’autres pionniers, un changement décisif a eu lieu en 1964 avec l’acceptation par la Sécurité sociale de la prise en charge des soins pour ces enfants renommés « polyhandicapés ».

Dès lors se sont développées des réponses spécifiques, notamment la fondation en 1965 avec les Docteurs Zucman et Tomkiewicz du comité d’études, d’éducation et de soins auprès des personnes polyhandicapées (CESAP) dont elle fut médecin directeur pendant plusieurs années.

Elisabeth Zucman admirait la « force de vie » des personnes polyhandicapées, elle en soulignait la singularité et les potentialités souvent invisibles, notamment leur très grande capacité d’attachement et leur hypersensibilité aux sentiments des autres. Elle valorisait « le courage combatif de leurs familles », ainsi que « la recherche et la créativité des professionnels – et singulièrement des AMP », rappelant sans cesse l’importance des actes de la vie quotidienne.

Son engagement a permis de faire avancer sensiblement la qualité de vie des personnes polyhandicapées et de leurs familles, la recherche et les pratiques en matière de soin et de prévention du surhandicap, mais aussi de communication et de stimulation sensorielle et cognitive.

Au-delà de sa pratique clinique, Elisabeth Zucman fut également conseiller technique du centre technique national d’études et de recherches sur le handicap et les inadaptations (CTNERHI), présidente d’honneur du groupe polyhandicap France (GPF) et de l’association « les toutpetits » et membre du haut Conseil scientifique et pédagogique de l’APAJH.

Outre le souvenir d’une grande vivacité d’esprit, nous garderons la trace d’Elisabeth dans les nombreux rapports et articles dont elle est l’auteure ainsi que plusieurs ouvrages qu’elle a écrits ou dirigés, valorisant toujours le regard croisé des parents et professionnels, tels que :

  • Accompagner les personnes polyhandicapées [efn_note] Zucman Élisabeth, Accompagner les personnes polyhandicapées – Réflexions autour des apports d’un groupe d’étude du CTNERHI, CTNERHI, « Etudes et recherches », 2001, 261 pages. ISBN : 2-87710-135-5[/efn_note] ;
  • Auprès de la personne polyhandicapée [efn_note] Zucman Élisabeth, Auprès de la personne handicapée. Une éthique de la liberté partagée. ERES, « Poche – Société », 2011, 224 pages. ISBN : 9782749214481[/efn_note] ;
  • Personnes handicapées, personnes valides : ensemble, semblables et différentes [efn_note]Zucman Élisabeth, Personnes handicapées, personnes valides : ensemble, semblables et différentes. ERES, « Poche – Espace éthique », 2012, 216 pages. ISBN : 9782749232058 [/efn_note]
  • L’action médico-sociale au service des personnes handicapées (2013) [efn_note]Zucman Élisabeth, L’action médico-sociale au service des personnes handicapées. Pour un juste renouveau. ERES, « Poche – Espace éthique », 2013, 288 pages. ISBN : 9782749239415[/efn_note]
  • Prendre soin de ceux qui ne guériront pas [efn_note] Zucman Élisabeth, Prendre soin de ceux qui ne guériront pas. La médecine questionnée par l’incurabilité et la fin de vie. ERES, « L’âge et la vie – Prendre soin des personnes âgées et des autres », 2016, 350 pages. ISBN : 9782749249926[/efn_note]

2. Actualité du secteur

2.1. Quoi de neuf le 21 septembre ?

Alors que l’impasse se confirme du côté du traitement curatif et que les différentes molécules mises sur le marché se sont avérées au fil du temps inefficaces, voire dangereuses, la journée mondiale sur la maladie d’Alzheimer (instituée depuis 25 ans), fut l’occasion de médiatiser les recherches neurologiques orientées vers la prévention de cette « maladie » – dont on peut rappeler qu’elle fait encore l’objet de divisions importantes dans le corps médical sur la question du diagnostic.

La piste thérapeutique « pré-symptomatique », si elle est défendue par certains, n’est cependant pas anodine, et le risque est sérieux de la voir privilégiée au détriment d’autres approches portant sur la prévention de l’aggravation des troubles et sur le maintien du bienêtre et d’une qualité de vie.

Un axe de travail à promouvoir – moins polémique mais sans doute aussi moins « médiatique » – serait celui concernant la maladie d’Alzheimer touchant les personnes jeunes pour lesquelles un accompagnement particulier devrait être organisé dès l’annonce du diagnostic.

Enfin, la journée mondiale est l’occasion de mentionner la publication, dans la lettre de psychogériatrie, des actes du séminaire Alzheimer AIGA 2018 à Lyon, dans lequel intervenait notre conseillère Marie-Jo Guisset Martinez sur le thème « l’accompagnement à l’art, par l’art ».

2.1. Un rapport parlementaire très critique sur l’organisation de la santé mentale

Les députées Caroline Fiat et Martine Wonner et ont rendu le 18 septembre un rapport d’information faisant un nouveau constat alarmant de la situation de la psychiatrie « au bord de l’implosion ». Leur diagnostic est sévère sur une organisation inefficace, hétérogène, illisible, inadaptée, aboutissant à « une prise en charge des patients catastrophique ».

Au-delà de plusieurs désaccords exprimés entre les deux rapporteures, les axes principaux de leurs recommandations concernent notamment :

  • Le redéploiement massif vers l’extra hospitalier, non seulement les soins de psychiatrie ambulatoire et les équipes mobiles mais également les structures sociales et médico-sociales. Remarquons que le secteur est ici à la fois très critiqué dans sa réalité actuelle tout en étant défendu, en tout cas redéfini. Il conviendra d’être particulièrement attentif à l’échelle retenue, le secteur initialement décrit comme un « panier de services » sur un territoire de 60 000 habitants ne pouvant être adapté ni efficace sur un territoire trop étendu ;
  • Un renforcement du pilotage national, de la cohérence de l’organisation de la santé mentale et de la coordination des acteurs. A ce titre, le projet territorial de santé mentale (PTSM), est reconnu comme un « outil particulièrement prometteur » mais très complexe à mettre en oeuvre et qui doit être mieux accompagné et soutenu par les ARS ;
  • Le rôle de la prévention primaire et secondaire, et plus particulièrement la prévention du suicide, et la nécessaire amélioration de la formation des professionnels ;
  • La défense et la promotion des droits des patients – Sur ce point le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie Franck Bellivier, auditionné ce 25 septembre par la commission des affaires sociales, a annoncé la création d’un observatoire du droit des patients portant en particulier sur les soins sans consentement, la contention et l’isolement.

2.3. Le « Passeport bipolaire », une expérimentation inquiétante

Cette expérimentation est prévue par le décret du 26 août 2019. Visant une « prise en charge spécialisée et coordonnée de la maladie », elle est associée à l’utilisation d’un modèle de financement du parcours de soins.

Ce nouveau dispositif largement protocolisé peut paraître séduisant car décrit comme performant et économe – mais une prévention primaire ou secondaire ne le seraient-elles au moins autant ?

Il s’appuie sur une approche – qui nous semble réductrice – essentiellement centrée sur les aspects biologiques et économiques de la bipolarité. Ainsi cette approche retient-elle pour acquis un certain nombre d’éléments qui devraient au contraire pouvoir être interrogés :

  • le caractère univoque mais aussi souvent définitif du diagnostic de la bipolarité ;
  • le modèle prédictif retenu dans l’évolution de la « maladie » ;
  • la dimension inévitablement chronique de celle-ci ;
  • le caractère systématique et indiscutable du traitement chimique dans le soin de la bipolarité.

On peut s’interroger sur le regard porté ici sur les personnes concernées et sur la place qui leur est effectivement reconnue dans ce parcours, mais aussi sur les pratiques de soins quelque peu réduites à des protocoles et des prescriptions médicamenteuses. L’expérimentation envisagée n’est pas sans risque et pourrait porter une atteinte grave aux droits des patients. Enfin, elle ne précise pas les moyens de contrôle et de validation des résultats obtenus.


3. Rapports – Lectures

« La place des aidants profanes dans les politiques sociales, entre libre choix, enrôlements et revendications », Revue française des affaires sociales, 2019/1, La Documentation française, 248 pages.

Dans ce numéro 2019 de la Revue française des affaires sociales, la place des profanes dans les politiques sociales est envisagée à travers trois dimensions :

  • Celle de la pluralité des acteurs concernés : les aidants non professionnels sont multiples (proches, parents, enfants, voisins, collègues …) avec des trajectoires variées, des profils, motivations, des statuts différents ;
  • La séparation entre le public et le privé, réinterrogée par la place des aidants ;
  • Les finalités de la protection sociale, avec le pourquoi du recours aux aidants non professionnels, ou encore la question de l’adéquation des aides apportées aux besoins, de la définition de ces besoins en référence à des principes d’action publique, ou encore à l’articulation des interventions des aidants professionnels et « profanes ».

Le dossier comporte une dizaine d’articles répartis en deux chapitres : les types d’aide et leurs effets ; l’enrôlement ; le soutien aux aidants.

Le handicap, un enjeu de société, Cahiers français, n° 411, La Documentation française, juillet 2019, 115 pages.

Ce n°411 des Cahiers français rappelle l’évolution importante de la situation des personnes handicapées en cinquante ans. Leur place dans la société a fait des progrès considérables, le mot d’ordre étant aujourd’hui celui de la société inclusive. Néanmoins, la notion de handicap reste une notion mouvante et entourée d’un certain flou. Comment a évolué la politique du handicap en France ? Jusqu’où peut aller l’inclusion ? Que peut apporter la recherche publique ? Où se situe finalement la frontière entre traitement médical et acceptation de la différence ?


4. Actualité de GEFCA

École de la sclérose en plaques de Villeurbanne 2020

Les dates des 5 séances de la prochaine édition de notre Ecole de la Sclérose en plaques sont d’ores et déjà validées les samedis 21 mars, 4 et 18 avril, 16 et 23 mai 2020. Vous retrouverez prochainement plus d’informations sur notre site internet ainsi que sur la page Facebook dédiée à l’Ecole.

GEFCA participe au programme RePairAidants en Rhône-Alpes

Ce programme d’information / formation national de l’APF France Handicap est destiné aux aidants de personnes en situation de handicap soutenu par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Il est basé sur le principe d’une co-animation entre un « proformateur » et un « pair-formateur » sur différents thèmes.

La prochaine formation se déroule à Lyon le 1er octobre – L’ensemble des informations et dates est accessible sur le site dédié repairaidants.blogs.apf.asso.fr